« De l’homophobie et de la transphobie en prison ? Quelle drôle de question, nous n’y avions jamais pensé. »
C’est par cette réponse que des associations de lutte contre l’homophobie ont répondu lorsque fin mars 2011, Ban Public les alertait de la situation vécue par un couple au sein du centre de détention de Caen.
Elles étaient unanimes pour dénoncer cette attitude mais étaient surprises quant à l’existence d’homophobie et de transphobie en prison.
Non, la prison n’est pas un lieu « gay friendly »…
Cette question, si elle a au moins donné matière à réflexion, n’en demeure pas moins d’actualité quant à la situation vécue par les détenus du centre de détention de Caen.
Rappel des faits :
Le 26 mars 2011, Ban Public était alerté par courrier des insultes subies par un couple du centre de détention en question.
Pacsés, ces hommes nous faisaient part de la situation dramatique vécue : insultes à répétition (noms « d’oiseaux » habituels en la matière…), tentative de suicide pour l’un, menaces de mort pour l’autre.
Sans surprise, la HALDE, saisie dans cette affaire se déclarait incompétente (du déjà vu en matière de droits des prisonniers !).
http://prison.eu.org/insultes-et-menaces-homophobes,13623
En parallèle, un tract de la CGT pénitentiaire du centre de détention lui était communiqué. Il y est loisible de lire qu’un transsexuel y est perçu comme un homme « ni mâle ni femelle ».
http://prison.eu.org/cgt-penitentiaire-bienvenue-a-caen
Ban Public alertait sans délai le contrôleur général des lieux de privation de liberté, et les associations de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Elle demandait également la saisine de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité via un parlementaire.
Ban Public demandait également des explications auprès de la direction de l’établissement et de la direction interrégionale des services pénitentiaires.
Le magazine Yagg rédigeait un article à ce sujet :
http://prison.eu.org/yagg-homophobie-en-prison-l-appel
La situation des deux hommes semblait se résoudre. La plainte qu’ils avaient adressée donnait lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire, certains des mis en cause étant semble-t-il entendus par la police judiciaire.
Toutefois, ceci n’était que de façade : le couple faisait l’objet de quolibets et de plaisanteries plus que douteuses (fixation sur leur courrier de préservatifs par exemple).
Il leur aurait été indiqué que la plainte déposée entre les mains du Procureur de la République faisait bien rire et qu’elle irait à la poubelle.
Suite de l’affaire
Ban Public met en ligne les réponses qui lui ont été adressées tant par la direction interrégionale et la direction de l’établissement que par le contrôleur général des lieux de privation de libertés.
http://prison.eu.org/insultes-et-menaces-homophobes,13628
http://prison.eu.org/insultes-et-menaces-homophobes,13627
http://prison.eu.org/insultes-et-menaces-homophobes,13629
Au niveau syndical, « la CGT pénitentiaire a présenté des excuses pour ce texte très éloigné de ses revendications anti-discriminatoires, et rappelle qu’il s’agit d’un tract local édité sans accord préalable de la part des instances supérieures. Le comité local s’est donc vu rappeler que les propos homophobes et transphobes ne pouvaient être tolérés sous l’égide de la CGT pénitentiaire. »
http://prison.eu.org/yagg-homophobie-en-prison-reponse
Toutefois, le syndicat FO du CP de Caen n’a pas pris le même recul
http://prison.eu.org/fo-homophobie-quotidienne
Il indique en effet apporté « son soutien le plus total au secrétaire local CGT devant la manipulation qu’orchestrerait un certain détenu du CP de Caen avec l’aval « journalistiquement médisant » d’une certaine catégories de personnes. » il demande même à « ce que ce détenu soit transféré même si pour cela, nous devons entré en conflits avec l’AP toute entière. »
De son côté, l’UFAP-UNSA Justice du Centre pénitentiaire ajoute que ces affirmations sont fausses et qu’il ne s’agit que d’un dérapage
http://prison.eu.org/ufap-unsa-homophobie-en-prison
Ban Public s’indigne quant au transfèrement exigé, au soutien inconditionnel au secrétaire local, la mise entre guillemets de « affaire homophobe » et la posture de victime adoptée les sections locales des syndicats.
Il ne s’agit pas d’une affaire qu’on peut mettre entre guillemets.
Les faits sont là. La justice est saisie. Le tract est écrit.
Ban Public réaffirme son indignation quant aux comportements allégués et au tract édité.
Ban Public demande que les autorités saisies agissent au plus vite afin que toute la lumière soit faite dans ces affaires et que la protection des prisonniers concernés soit assurée.
Ban Public exige que l’administration pénitentiaire ne plie pas face au diktat imposé par FO pénitentiaire du CP de Caen quant au transfèrement des détenus.
Ban Public rappelle que « le droit ne s’arrête pas aux portes des prisons. » (CEDH Tomasi c/France, 27.08.1992)
Ban public rappelle également que :
1. Les propos, insultes, menaces et discriminations en raison de l’orientation sexuelle sont punis par la loi pénale.
2. Le code de procédure pénale impose aux personnels pénitentiaires d’agir avec respect à l’égard des personnes incarcérées.
Les articles D219 et D220 du Code de procédure pénale disposent :
• Les membres du personnel doivent, en toute circonstance, se conduire et accomplir leur tâche de telle manière que leur exemple ait une bonne influence sur les détenus et suscite leur respect.
Ils doivent s’abstenir de tout acte, de tout propos ou de tout écrit qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements et doivent remplir leurs fonctions dans des conditions telles que celles-ci ne puissent préjudicier à la bonne marche des procédures judiciaires.[…] (D219 CPP, al.1 et 2)
• Indépendamment des défenses résultant de la loi pénale, il est interdit aux agents des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire et aux personnes ayant accès aux établissements pénitentiaires :
- de se livrer à des actes de violence sur les détenus ;
- d’user, à leur égard, soit de dénominations injurieuses, soit de tutoiement, soit de langage grossier ou familier […] (D220, al.1 et 2)
La loi du 24 novembre 2009 dite loi pénitentiaire a créé un code de déontologie à l’égard du personnel pénitentiaire dont les articles suivants sont issus :
• Article 3
L’administration pénitentiaire s’acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et des lois et règlements.
Les valeurs de l’administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit.
• Article 6
Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale, du titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l’administration pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.
• Article 13
Le personnel qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent code doit s’efforcer de les faire cesser et les porter à la connaissance de sa hiérarchie. Si ces agissements sont constitutifs d’infractions pénales, il les porte également à la connaissance du procureur de la République.
• Article 15
Le personnel de l’administration pénitentiaire a le respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire et de leurs droits. Il s’interdit à leur égard toute forme de violence ou d’intimidation. Il ne manifeste aucune discrimination. Il ne doit user ni de dénomination injurieuse, ni de tutoiement, ni de langage grossier ou familier. Il manifeste le même comportement à l’égard de leurs proches.
Ban Public alerte toutes les autorités compétentes, tous les journalistes, et tous les citoyens pour que cette situation soit dénoncée.
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